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François Beaurain : l’obsession du gif

François Beaurain a choisi le gif pour s’exprimer contre la routine parisienne. Vous ne voyez pas le jour depuis quelques semaines ?  Vous passez plus de temps dans le métro qu’avec vos enfants ? Vous avez une brillante carrière mais vous ne vous ne savez plus pourquoi ? Alors cette série est faite pour vous et vous fera sourire ! Pour Lense, il revient sur sa série « Monday Morning Again », un projet « gifociologique ». Entretien. (Photo d’ouverture : I’m late, I’m late © François Beaurain)

Note d’utilisation : il vous suffit de cliquer sur l’image pour visualiser le gif ! 

Comment êtes-vous devenu photographe ? 

Sur le tard. C’est une reconversion tardive, je suis scientifique de formation. À la base j’étais plutôt intéressé par la sculpture et je ne m’intéressais que de loin à la photographie (photo de voyage principalement). Je suis parti vivre en Afrique en 2013 ce qui m’a empêché de continuer la sculpture de manière assidue, je me suis alors intéressé de plus prêt à mon appareil photo.

Mon approche photographique est d’une certaine manière influencée par la pratique de la sculpture, j’aime travailler mes photos comme si c’était une matière plastique modelable.

Dans le trome – © François Beaurain
Quel est le propos de cette série, « Monday Morning Again » ? 

La série illustre le métro-boulot-dodo en gif. J’ai créé cette série en 2016 à mon retour d’Afrique (Libéria puis Maroc)  à un moment où j’hésitais à chercher un emploi et à reprendre une vie de bureau… Ce projet a été réalisé pendant cette période de flottement (c’était ça ou aller voir un psy). Finalement j’ai opté pour la photographie et les arts-plastiques et j’ai transformé cette angoisse de reprendre une vie bien rangée en un projet photo.

Pourquoi appliquer le gif à la photographie ? 

La répétition spatiale et temporelle joue un rôle déterminant dans mon travail et je me sens très infuencé par la travail de M.C. Escher. Cela provient sûrement de mon côté scientifique et des années passées en laboratoire à étudier la structure des molécules du vivant (ADN et protéine). Pour moi le gif a été évident, je l’ai adopté du jour au lendemain et c’est pour moi le médium idéal pour laisser s’exprimer mon côté obsessionnel. D’un point de vue photographique, le gif me permet de tout transformer en motif (individu comme objet). 

Aussi, le gif est un medium récent. Il n’est pas encore codifié, catégorisé, étudié… On est complètement libre de faire ce que l’on veut et d’explorer de nouveaux horizons. La photographie n’offre plus cette liberté de pionnier, on est toujours catégorisé ou comparé, jugé.  Avec le gif, je crée mon propre mode d’expression et mes propres techniques. 

Dans le cadre particulier de MMA (« Monday Morning Again ») l’emploi du gif et de son côté répétitif est parfait pour accentuer la routine du quotidien, son choix s’est imposé tout naturellement. 

I’m late, I’m late – © François Beaurain
Selon vous, quel est le principal avantage du gif ? 

Le gif est un format photo de très mauvaise qualité qui date des années 1980.  Il a survécu à toutes les évolutions numériques de ces trente dernières années, il a donc forcément quelque chose de spécial.

Peut-être que dans un monde aujourd’hui saturé d’images, le gif présente l’avantage de pouvoir capter l’attention. L’œil humain est très sensible au mouvement, il peut distinguer le moindre frémissement au milieu d’un paysage immobile. En faisant bouger une fraction de l’image qui va donc se détacher de l’arrière plan, le gif doit d’une certaine manière titiller un instinct ancestral en nous (de chasseur ?).

Le gif a aussi un côté hypnotique qui fait qu’on pourrait les regarder pendant des heures. Peut-être qu’il y a la une référence au sexe. Avec son aspect répétitif, avec son  « va-et-vient », le gif est peut être capable de suggérer le coït à notre subconscient…

Et la principale difficulté ?  

Le gif est encore trop souvent associé au pire du web. La plupart des gens ne comprenne pas que cela puisse être aussi un travail d’auteur et que le gif représente un mode d’expression à part entière entre la vidéo et la photo. Il reste encore du chemin à parcourir avant qu’il ne soit reconnu sur le plan institutionnel.

Release the pressure  – © Fraçois Beaurain
Comment avez-vous sélectionné les thématiques ? 

Je me considère comme un artiste-voyageur, les thématiques de mes projets sont inspirés des pays où je vis. Mes gif constituent souvent des sortes de carnet de voyages où je consigne des rencontres, des lieux ou des métiers. Il y a une exception : MMA qui est un projet plus personnel et introspectif.

Pouvez-vous nous expliquer le parti pris de l’autoportrait ? 

Je suis quelqu’un de pudique et réservé et il est rare que je m’expose personnellement dans mon travail. Dans ce cas particulier, j’ai fait une exception pour deux raisons. 

Tout d’abord, il me fallait un modèle (pas cher) qui comprenne parfaitement ce que je voulais lui faire faire. Après deux années à faire des gif pour les autres et à passer énormément de temps à expliquer aux modèles ce que j’attends d’eux, j’ai trouvé très reposant de travailler avec un modèle qui comprenne tout du premier coup. 

Comme expliqué précédemment, il y a aussi une partie de moi-même dans ce projet. La plupart des gifs sont inspirés de mon propre passé de « cadre dynamique ». Il représente un tournant dans ma vie et il me semblait donc tout naturel de me mettre en scène. 

Tielet paper © François Beaurain
Quel est votre gif préféré de cette série ?

J’aime beaucoup les gif avec la cravate, cet objet inutile et ridicule symbole phallique du pouvoir. J’ai porté la cravate pendant des années, c’est la galère à nouer, elle m’étranglait et me tenait trop chaud l’été. J’avais besoin de me venger de mes cravates… voilà qui est fait.

Pouvez-vous décrire cette série en quelques mots ? 

Je suis tombé l’autre jour sur un post au sujet du journaliste Jean-Laurent Cassely et de son livre « La révolte des premiers de la classe. Métiers à la con, quête de sens et reconversions urbaines ». Je n’avais pas ce livre en poche quand j’ai réalisé cette série qui tourne en dérision le côté routinier de nos vies professionnelles. Mais derrière ce projet, il y a peut-être aussi l’expression d’une révolte par rapport à ces « métiers à la con » auxquels j’ai voulu échapper.

Bubble bobble © François Beaurain

Retrouvez le travail de François Beaurain sur son site Internet.

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